Rencontrez les quatre lauréats de 13M, le premier accélérateur en faveur de l’inclusion numérique sur le territoire national par la Banque des Territoires, le Groupe SOS, H7 et Pulse.
Bonjour Mehdi et Stephan, pouvez-vous nous parler de vous ?
Mehdi : Je suis Mehdi Bensafi, président de l’association NECC et Sport Manager sur la compétition de taekwondo et para-taekwondo dans le cadre des Jeux Olympiques de Paris 2024.
Stephan : Je m’appelle Stephan Euthine, je suis trésorier de l’association NECC et je travaille pour le groupe LDLC depuis 23 ans. Depuis 2010, je dirige l’équipe esport professionnelle “team LDLC” devenue “LDLC OLYMPIQUE LYONNAIS” en 2020.
L’esport désigne la pratique compétitive du jeu vidéo, seul ou en équipe, à un niveau professionnel.
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Mehdi : En parallèle de mon activité professionnelle, j’ai toujours eu un pied dans le milieu associatif. Depuis plusieurs années, je suis très impliqué au sein d’une structure qui s’appelle Synergie Family. Elle propose des expériences à forte valeur éducative.
Dans ce cadre, nous avons eu envie de développer un nouveau lieu et nous souhaitions attirer le public par le prisme de l’esport. Pour trouver le bon modèle et développer le projet, je me suis rapproché des experts esport de la région, notamment LDLC OL. C’est à ce moment-là que j’ai fait la rencontre de Stephan.
Stephan : Dans le cadre de mon travail auprès de l’équipe esport LDLC OL, j’ai travaillé avec la Tony Parker Adéquat Academy pour mettre en place le premier cursus d’esport études d’une équipe esportive professionnelle. Depuis la création de notre équipe, j’ai pu observer l’écosystème esportif et ses dérives. Je pense notamment au recrutement de joueurs de plus en plus jeunes (16 ans et moins) sans adaptation aux plannings scolaires, au risque de les faire décrocher de l’école dans l’espoir d’une carrière éphémère dans l’esport. Ces dernières années, je recevais même des emails de parents qui souhaitaient déscolariser leurs enfants pour s’investir dans l’esport. Je travaille dans le secteur depuis plusieurs années, je connais bien ce milieu, et ça m’a terrifié !
Je me suis dit qu’il fallait agir, proposer des solutions concrètes et surtout informer les personnes qui n’ont pas la connaissance du milieu et qui ont besoin d’être encadrées, grâce à des outils et pourquoi pas un lieu dédié. J’ai essayé d’imaginer plusieurs modèles économiques, incluant une dimension associative, sans pour autant trouver le bon. Quand Mehdi m’a parlé de son projet, j’ai vu la complémentarité de nos idées et j’y ai tout de suite adhéré.
Pouvez-vous nous présenter le projet NECC ?
Mehdi : NECC (National Esport Club & Community) est un tiers-lieu numérique d’innovation éducative et inclusive. Avec ce projet, nous souhaitons encadrer la pratique des jeux vidéo et en faire un outil d’éducation grâce à des programmes d’accompagnement.
Nous agissons sur l’insertion professionnelle (métiers du jeu vidéo, du numérique, liens avec les missions locales), intergénérationnelle, socio-éducative, l’initiation au numérique, l’accompagnement scolaire, l’accompagnement des parents et la création d’expériences à fortes valeurs éducatives (numérique, sportive, artistique, culturelle, code, écologie…).
NECC, en tant que lieu convivial, favorise le lien social et contribue au développement des valeurs citoyennes d’entraide et de solidarité.
Stephan : Quand nous nous sommes rencontrés avec Mehdi, nous avons commencé à bâtir les premières fondations. Grâce à nos connaissances respectives des milieux publics et privés, nous avions une vision assez claire du paysage, ce qui nous a permis de nous questionner sur le modèle et de l’affiner. Avec NECC, nous souhaitons allier esport et utilité publique. Nous intégrons dans ce modèle hybride les acteurs existants, dans le but d’accompagner les bénéficiaires dans la durée.
Quel est le constat de départ du projet NECC ?
Stephan : Aujourd’hui, près de 5 millions de personnes pratiquent de l’esport en France. Nous devons proposer des outils, des ressources et un lieu pour encadrer, tirer le meilleur de la pratique du jeu vidéo. On pourra ainsi l’utiliser comme un moyen de capter les publics ayant besoin d’accompagnements, notamment, au numérique.
Mehdi : Grâce à l’esport nous pouvons capter un public allant des jeunes, aux seniors, en passant par des habitants du quartier. Nous l’avons constaté au quotidien, tous ces publics ont perdu l’habitude de fréquenter des établissements socioculturels type MJC – Maison des Jeunes et de la Culture – ou Maisons de Quartiers.
Depuis 2021, en activité hors les murs, nous avons touché plus de 3400 personnes sur l’ensemble des activités – gaming, découverte de métier, accompagnement du numérique…
Quelle est votre définition de l’inclusion numérique ?
Mehdi : L’inclusion numérique est un outil d’égalité des chances. Aujourd’hui, le numérique évolue constamment : comment démocratiser le sujet ?
Il y a une réelle difficulté sur l’éducation. Transmettre une compétence, ce n’est pas le plus compliqué, le vrai défi, c’est la pédagogie.
Stephan : Nous devons créer des prétextes pour que les gens se réunissent et s’intéressent au numérique. Ainsi, nous allons pouvoir identifier leurs besoins.
Il y a quelques mois, nous avons proposé une compétition de Wii Bowling à un public sénior. La moyenne d’âge par équipe était de 65 ans. Avec cette activité, nous luttons contre la sédentarité des personnes âgées. Nous provoquons des échanges intergénérationnels. Surtout, nous amorçons une première rencontre pour les amener à appréhender le numérique : regarder des recettes ou faire une visio. Par ce prétexte, nous les guidons vers de l’apprentissage et la résolution de problèmes du quotidien.
Comment gérez-vous les réticences des bénéficiaires vis-à-vis du jeu vidéo et du numérique ?
Stephan : Notre enjeu, c’est de dédiaboliser l’outil. Les possibilités sont nombreuses si la pratique est bien encadrée.
Nous faisons beaucoup de pédagogie. Par exemple, nous apprenons aux parents comment gérer le temps d’écrans des enfants. On leur donne les moyens de penser le jeu vidéo comme un outil, pour ne pas le “subir” mais plutôt sociabiliser et en parler. Du côté des seniors, nous proposons des activités pour leur apprendre à utiliser un smartphone, découvrir le fonctionnement d’un ordinateur, aller chercher de l’information, de l’accès aux droits…
Mehdi : On va recréer le lien social par le numérique, et valoriser tout ce que le jeu vidéo permet. Dans le discours, on ne parle pas forcément de l’inclusion numérique. On va plutôt marketer les actions, les événements. On va mettre en avant un café ou une compétition, pour créer la confiance et embarquer les bénéficiaires.
Au niveau de l’accompagnement, on dédramatise les difficultés et l’échec au maximum. On veut valoriser ce qu’ils arrivent déjà à faire pour lever les freins éventuels.
Comment se compose l’équipe ?
Mehdi : Aujourd’hui, nous avons déjà un lieu – à Vaulx-en-Velin, en périphérie de Lyon – qui est en phase de test. Nous souhaitons être certain que le cœur du réacteur est solide avant de dupliquer le modèle dans d’autres villes.
Stephan et moi sommes tous les deux sur la partie stratégie. Nous envisageons d’intégrer un comptable dans les mois à venir.
Sur le lieu, notre équipe est composée d’un directeur de lieu, d’une référente esport, d’une responsable pédagogique et d’un coach esport et numérique. Ponctuellement, des bénévoles et des vacataires nous accompagnent.
Qu’attendez-vous du programme 13M ?
Stephan : Nous souhaitons créer un cahier des charges d’essaimage pour notre développement et prendre du recul sur le projet. Si à la fin de l’accompagnement le cahier des charges est approuvé, nous pourrons multiplier le concept sur d’autres territoires. La demande est forte. Il faut accélérer et nous avons besoin d’être conseillés pour créer et pérenniser un modèle économique. Nous souhaitons également étoffer l’équipe.
Mehdi : De mon côté, je pense que les experts de 13M peuvent nous accompagner sur les outils et la mesure de l’impact des programmes. Nous espérons pouvoir mettre en place un suivi d’activité solide.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Mehdi : Nous avons à cœur de pérenniser notre mission. Actuellement, nous sommes en train de naviguer sur les flots, mais nous visons très loin. Quatre salariés passionnés, venant d’horizons très différents, composent notre équipe et font notre fierté..
Notre objectif ultime est de continuer à nous développer. Nous souhaitons veiller à ce que chaque personne qui nous accompagne se sente épanouie et réalisée dans son travail. Nous sommes convaincus que, grâce à ce collectif et ce tiers-lieu, nous pouvons réaliser de grandes choses.