Jean Guo : “La fragilité numérique est universelle”

12 juillet 2023
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Découvrez le parcours de Jean Guo cofondatrice et CEO de l’association Konexio

MAJ, Juillet 2024 — Depuis la réalisation de cette interview en juillet 2023, la direction de Konexio a évolué : Jean Guo, cofondatrice et CEO, est désormais présidente du Conseil d’Administration. C’est Jean-Christophe Vidal, ancien directeur adjoint, qui prend le poste de Directeur Général. Konexio a également annoncé il y a quelques semaines la création de Konexio Africa pour étendre ses activités en Ouganda, en Tanzanie et au Soudan.

Depuis 2016, Konexio propose des formations au numérique à destination des personnes éloignées de l’emploi (réfugiés, jeunes issus des QPV, personnes en reconversion, femmes, …). L’objectif de l’association : les accompagner dans leur montée en compétences afin de favoriser leur insertion professionnelle. Dans le cadre du programme 13M, nous avons rencontré Jean Guo, cofondatrice et CEO.

Bonjour Jean. Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Jean Guo, je suis la cofondatrice de Konexio, qui forme les publics éloignés de l’emploi aux compétences numériques, des plus basiques aux plus avancées, afin de faciliter leur inclusion socioprofessionnelle.

Je suis arrivée aux États-Unis avec ma famille à l’âge de cinq ans. Durant mon enfance, j’ai été directement confrontée aux difficultés que l’on rencontre lorsque l’on arrive dans un nouveau pays, que ce soit au niveau de la langue, de la différence de culture ou de l’insertion professionnelle. Mon histoire personnelle m’a fortement inspiré dans la création de Konexio.

J’ai fait mes études à Stanford puis à Harvard et après l’université, j’ai été consultante à San Francisco pour des entreprises de la tech. Je suis arrivée en France en 2015 pour effectuer des travaux de recherche à l’Ecole d’Economie de Paris.

Au cours de mes recherches, j’ai réalisé une évaluation des politiques publiques de la santé et des programmes sociaux. En allant sur le terrain, j’ai constaté qu’il manquait des connexions solides entre les services publics de première ligne qui accompagnent vers l’emploi et l’insertion et les personnes qui en ont besoin pour devenir autonome.

Quelle est la mission de l’entreprise ?

Nous vivons dans un monde qui change et va de plus en plus vite. Notre mission est de s’assurer que les personnes les plus impactées par ces changements ne soient pas les plus vulnérables et que l’on soit tous égaux face au numérique.

Pour cela, nous proposons des formations au numérique, des compétences les plus basiques aux plus avancées. Nos apprenants sont des personnes éloignées de l’emploi, du numérique et sous-représentées dans le milieu de la tech. Nous leur proposons par exemple de se former au développement web (Devéloppeur.euse Web) ou encore aux systèmes et réseaux (TSSR).

Nous travaillons beaucoup sur les enjeux de diversité dans la tech : nous souhaitons favoriser l’égalité des chances et faire en sorte que l’on ne voit pas toujours le même profil ou le même type de personne sur ces métiers. Toutes nos formations mettent l’accent sur les soft-skills et l’apprentissage des codes sociaux du monde du travail.

Comment Konexio arrive à atteindre les personnes les plus éloignées du numérique ? Quelle est votre stratégie pour qu’elles vous identifient ?

Aujourd’hui, la chaîne pour que les gens arrivent jusqu’à nous est composée de trois maillons.

Premièrement, nous travaillons en étroite collaboration avec des structures publiques de terrain qui orientent leurs bénéficiaires vers Konexio – Missions Locales, Pôle Emploi etc. Deuxièmement, nous savons que 40 % de nos élèves viennent du bouche-à-oreille. Enfin, beaucoup de gens nous identifient grâce à notre présence sur les réseaux sociaux.

Depuis notre lancement, nous avons réalisé plus de 6 000 parcours de formation, lancé plus de 350 promotions et délivré environ 300 000 heures de formation.

13 millions de français sont exclus du numérique. Selon toi, quel est le rôle des acteurs privés dans la réduction de ce chiffre ?

Selon moi, les entreprises ont la responsabilité de travailler et de s’engager sur les thématiques d’inclusion numérique car les conséquences les impactent directement, dans leur capacité à recruter par exemple.

Elles doivent donc financer des formations et s’engager dans les parcours d’accompagnement afin de former leurs salariés ou futurs salariés et ainsi assurer leur employabilité.

Depuis la naissance de Konexio en 2016, quels sont les freins à l’inclusion numérique les plus importants que tu as identifiés ?

Le frein que l’on rencontre le plus souvent est celui du savoir. Beaucoup de personnes pensent maîtriser le numérique, car elles possèdent certaines compétences, et pensent donc que la formation n’est pas nécessaire. Pourtant, dans la pratique, nous constatons des lacunes.

Je pense par exemple aux jeunes générations, qui sont très à l’aise sur les réseaux sociaux, mais qui ont parfois des difficultés à se servir d’un ordinateur. L’un des rôles de Konexio est de sensibiliser ce type de public à l’importance de la formation, pour multiplier ses compétences numériques et rester (ou se mettre) à niveau.

Il y a également un enjeu d’anticipation : nous devons toutes et tous prendre en main le problème. La crise du Covid a accentué la fracture numérique et les entreprises doivent former leurs collaborateurs pour, notamment, garantir leur employabilité.

Aujourd’hui Konexio est présent en France, en Jordanie, au Kenya, au Malawi, et souhaite poursuivre son développement sur le continent africain. Par rapport au paysage mondial, comment se situe la France sur les sujets d’inclusion numérique ?

Chaque pays a ses spécificités, liées notamment aux conditions de vie, à la situation économique ou encore à la culture.

Ce qui est universel, c’est la fragilité numérique qui existe partout. Selon moi, l’important quel que soit le pays, c’est d’être le plus créatif possible pour trouver des solutions.

À l’international par exemple, nous accompagnons nos apprenants vers le marché du freelancing, qui a vraiment explosé ces dernières années avec la flexibilité des modes de travail. Pour les personnes qui ont peu d’opportunités autour d’eux, c’est très intéressant de se tourner vers ce modèle qui permet d’atteindre l’autonomie financière.

Quels conseils pouvez-vous donner aux entrepreneurs qui veulent inventer de nouveaux modèles pour réduire la fracture numérique ?

Le meilleur conseil que je puisse donner c’est “start before you’re ready” (ndlr, commencez avant d’être prêt). Lorsque l’on crée une entreprise, on a souvent tendance à s’auto-censurer et à freiner nos développements. On est jamais vraiment prêts, alors je pense qu’il faut se lancer dès que le MVP est prêt et 90 % du produit viendra avec les itérations.

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Selena Miniscalco
Chargée de Communication

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