La Belle Histoire est une série d’articles qui met en avant des entrepreneurs et leurs équipes en partant de là où tout a commencé. Ils vous partagent les étapes par lesquelles ils sont passés. La suite ? Ils sont encore en train de l’écrire.
Le 17 janvier a marqué le coup d’envoi de la quatrième saison de Qui Veut Être Mon Associé sur M6. Dans quelques jours, la France entière découvrira sur le petit écran Urgentime, une start-up française qui révolutionne la prise en charge téléphonique.
Depuis 2016, Anthony Tabuyo et Jovien Chappex ont pour mission de donner des yeux à nos héros du quotidien. La technologie développée par les deux amis permet aux secouristes, grâce à un lien visio envoyé par sms, de voir les victimes à distance, d’évaluer leur état et d’adapter la prise en charge en conséquence.
À quelques jours de la diffusion de l’émission, le stress monte d’un cran, et Anthony et Jovien nous racontent leur belle histoire.
Le jour où tout a basculé
À l’âge de 22 ans, Anthony a brusquement vu sa vie basculer à la suite d’un accident de moto. Nous sommes en 2013 et le jeune homme frôle la paralysie : “Les pompiers étaient très peu au fait de mon état. Lorsqu’ils sont arrivés sur les lieux de l’accident, ils n’avaient pas le matériel adéquat pour me soigner. J’ai dû attendre mon arrivée à l’hôpital pour être correctement pris en charge. J’ai évité de peu la paralysie mais je garderai toute ma vie des séquelles de cet accident.” raconte Anthony.
À ce moment-là, le jeune homme réalise qu’à l’ère des réseaux sociaux, on ne peut toujours pas faire de photos ou de vidéos pour les secouristes. Combien de personnes comme lui ont subi les conséquences de ce manque ?
À cette période, Anthony fait des études de mathématiques, bien loin du milieu de l’entrepreneuriat et de la santé. Plus déterminé que jamais, le jeune homme établit un plan, envisage d’intégrer HEC et de travailler en lien direct avec l’État français pour concrétiser son projet.
À peine remis sur pied, Anthony déménage à Paris et intègre l’ESCEN — École Supérieure de Commerce et d’Économie Numerique —. Afin d’explorer en profondeur les abysses du monde des start-up, son école lui propose de partir deux mois à San Francisco, berceau mondial de l’innovation. Au cœur de la Silicon Valley, il côtoie des entrepreneurs du monde entier et des acteurs majeurs de l’innovation à l’instar d’Uber ou Apple.
“À cette période je n’ai rien, si ce n’est une bonne idée, et moi-même qui parle avec les mains”. Ce “rien” est pourtant repéré par un investisseur américain, qui propose à Anthony 3M $ pour développer Urgentime aux US. Après une longue hésitation, Anthony décline l’offre : la France sera son paradis entrepreneurial.
Anthony se souvient “On m’a souvent dit : si tu arrives à le faire en France, tu peux le faire partout”. Alors il l’a fait.
Mariés au premier regard
En 2015, avec du travail et beaucoup de culot, Anthony intègre non sans difficultés HEC. “J’ai passé un concours qui me permettait d’intégrer un programme entrepreneurial de HEC. Malheureusement je l’ai raté. Il y avait 16 places et j’étais 17ème”.
Alors que la porte se referme, Anthony persévère et se fraie un chemin. “Je suis allé voir le responsable et je lui ai posé une question : pensez-vous qu’Urgentime aura plus d’impact que les 16 projets sélectionnés ? Le deal, c’était que si il répondait oui, je pourrais intégrer le programme.” Le responsable de la formation se remémore le slogan de l’école, apprendre à oser, et choisit de parier sur le jeune homme.
Cette formation donne à Anthony l’opportunité de développer son réseau et ses compétences, mais surtout, de rencontrer son “âme sœur professionnelle”, son cofondateur et ami, Jovien.
À cette période, Jovien suit des cours à l’École 42, l’école informatique fondée par Xavier Niel. “Au lycée, je n’étais pas un très bon élève. Après le bac, je n’avais pas beaucoup d’opportunités, mais 42 m’a tout de suite séduit. J’ai convaincu mon père et j’ai fait La Piscine, le concours d’entrée.”
La Piscine, c’est un mois de travail intensif, pour intégrer la prestigieuse école. Jovien travaille 16 heures par jour, mais ses efforts payent : il termine l’immersion avec 15 de moyenne et voit son rêve devenir réalité.
Le jeune homme quitte sa Haute-Savoie natale pour l’effervescence de la vie parisienne. Passionné par son métier de développeur, Jovien enchaîne les side projects, monte en compétences en un temps record, valide son année avec plusieurs mois d’avance et profite de ce temps pour découvrir le monde professionnel au cours d’un stage de 6 mois.
“J’ai eu un excellent mentor et je me suis spécialisé en DevOps et Back. À la fin de mon stage, on m’a proposé un CDI, mais je voulais retourner à l’école et diversifier mes projets” , explique-t’il. Au cours de sa 2e année au sein de 42, Jovien met un pied dans l’entrepreneuriat, d’abord au travers de missions freelance, puis en montant sa première entreprise, Flash Access, société de coupe-file virtuel.
Quelques semaines plus tard, au travers d’un partenariat entre HEC et l’École 42, Jovien et Anthony se rencontrent. “Le concept, c’est que les élèves entrepreneurs devaient avoir des cours de code, et les élèves codeurs devaient avoir des cours sur l’entrepreneuriat. Nos deux promos se sont rencontrées et j’ai pitché Urgentime.” se souvient Anthony.
À la façon “qui m’aime me suive”, l’entrepreneur propose à ceux qui le souhaitent de rejoindre l’aventure à ses côtés. Animé par la volonté de diriger un projet à impact, Jovien l’a suivi.
La France a un Incroyable Talent
Les compétences des deux fondateurs se complètent : alors qu’Anthony se consacre à la partie commerciale, Jovien lui, développe les premiers prototypes.
Mais proposer un nouveau service d’utilité publique n’est pas un long fleuve tranquille. Si les Ministères, les SAMU et les pompiers sont unanimes sur l’utilité d’Urgentime, ils le sont également sur la difficulté de créer et d’intégrer une solution comme celle-ci à l’échelle nationale. Pourtant, 1 appel en visio sur 10 permet de sauver une vie.
Pendant plusieurs mois, Anthony toque à toutes les portes pendant que Jovien s’applique à développer une solution simple et efficace.
“On a d’abord opté pour une app, mais c’est difficilement déployable car il faut que les gens la téléchargent. J’ai travaillé dessus pendant plusieurs mois, mais finalement, on a compris qu’on n’en avait pas besoin. J’ai bricolé une solution, on s’est lancé dans de la R&D et on a développé une solution stable d’appel en visio, avec un simple lien transmis par SMS. Personne n’avait fait ça avant nous !” nous raconte Jovien.
La solution toute trouvée, les deux fondateurs décident de dupliquer l’offre sur le marché des entreprises afin de compléter leur business model. “Les problèmes du quotidien, comme les pannes par exemple, sont résolus dans 80 % des cas avec l’appel visio sans nécessiter l’intervention d’un technicien.” Immédiatement, une première société achète la solution, et la vente B2B débute pour Urgentime.
La commercialisation s’accélère aussi auprès des SAMU et des pompiers. Anthony se souvient d’une rencontre marquante avec le SAMU 86 : “Le directeur nous avait vu dans la presse. Quand je suis allé visiter le centre d’appel, une chose m’a marqué. Il y avait un mur d’écran géant, installé des années avant notre rencontre, en prévision d’une solution comme la nôtre.”
À la fin du rendez-vous, les écrans noirs ont laissé place à la technologie Urgentime.
En 2020, la pandémie touche le monde entier. Alors que de nombreuses sociétés ferment boutique, Urgentime est sollicité de toutes parts. Les entreprises éloignées de leurs clients veulent maintenir le contact. de premières discussions s’initient avec le 911 et Urgentime équipe tous les SAMU de France gratuitement pour faire face à l’urgence. L’année de la croissance se poursuit avec un premier recrutement, puis un second, jusqu’à constituer une équipe de 6 personnes.
Malheureusement, la fin de l’année signe la fin de l’abondance. Anthony et Jovien subissent les conséquences de plusieurs mois de paralysie mondiale. Les entreprises ne peuvent plus les payer. Avec 6 mois de trésorerie en poche, les dirigeants doivent faire des choix. “On a dû licencier l’ensemble des salariés. Humainement, c’est une période qui a laissé des traces, on s’est demandé si on devait continuer”.
Anthony et Jovien font front face à la tempête. En 2021, ils quittent Paris pour conquérir par la suite la Capitale des Gaules, terre d’espoir pour les deux fondateurs. Finalement, après un an de difficulté, 2022 sera synonyme de renouveau. L’équipe réalise une petite levée de fonds en love money. Les finances des entreprises repassent au vert et de nouveaux contrats voient le jour. Quelques mois plus tard, Urgentime rejoint H7, l’équipe s’étoffe de nouveau et de nouvelles perspectives voient le jour.
Qui Veut Être Mon Associé ?
Depuis, le CA ne cesse de croître : de 80 K € en 2022, l’équipe passe à 270 K € en 2023. Aujourd’hui, Urgentime équipe 1⁄4 des SAMU français, ⅓ des services d’urgences suisse et ⅓ des 911 aux États-Unis. Grâce à la prise en charge vidéo, 100 000 personnes ont été aidées entre les urgences et les dépannages.
Dix ans après le début des premières réflexions, Anthony et Jovien sont toujours animés par leur mission. Donner des yeux à nos héros du quotidien et sauver des vies. Pour atteindre cet objectif, Urgentime doit continuer de grandir et de se structurer. Néanmoins, les deux fondateurs ont besoin d’être accompagnés.
En 2024, l’équipe décide ensuite de séduire les investisseurs et le grand public. Ils participent à la quatrième saison de Qui Veut Être Mon Associé. Depuis l’émission qui leur a apporté une belle visibilité, Urgentime continue son ascension. En réponse à cette croissance, Anthony et Jovien recrutent une nouvelle commerciale en avril. Urgentime étend désormais son développement à l’international, avec des implantations en Espagne et même au Canada. Le futur s’annonce prometteur pour leur solution innovante de visio-assistance.