Rencontrez Christophe Genter – Directeur du département Cohésion sociale et territoriale de la Banque des Territoires– et Marianne Beaufils – chargée de projets et d’investissements inclusion numérique et services au public à la Banque des Territoires. Au travers de cette interview, ils nous partagent le bilan de la première édition de l’accélérateur 13M et leurs attentes pour la deuxième promotion.
31,5% de la population française reste encore éloignée du numérique. Face à ce constat, la Banque des Territoires lance – en 2022 – 13M. Le premier accélérateur en faveur de l’inclusion numérique, aux côtés du Groupe SOS, de H7 et de Pulse.
Après 9 mois d’accompagnement, la première promotion a laissé place en février à quatre nouveaux lauréats : Konexio, Coyali, WeeeFund et Clic&Moi. Marianne Beaufils et Christophe Genter, à la tête du programme, nous partagent leurs enjeux et ambitions pour cette deuxième promotion.
Bonjour Christophe, bonjour Marianne. Pouvez-vous nous parler de la Banque des Territoires et de vos actions en faveur de l’inclusion numérique ?
Christophe Genter : Le rôle de la Banque des Territoires est de réduire les inégalités sociales et territoriales en France. Nos actions se concentrent autour de deux axes : la transformation écologique et la cohésion sociale et territoriale. L’inclusion numérique et l’accès aux services sont d’ailleurs rassemblés depuis 2023 dans l’une de nos 16 mesures phares.
Aujourd’hui, la fracture numérique (l’illectronisme) touche un Français sur trois. Pour cela, la Banque des Territoires a mené plusieurs actions, dont :
- Le partenariat avec l’Etat sur le déploiement des 2 700 maisons France services et l’animation du réseau des agents qui accompagnent les bénéficiaires dans leurs démarches administratives en ligne (actes dématérialisés) ;
- Le mandat Conseiller numérique, qui est un réseau de formateurs qui accompagnent les bénéficiaires dans leurs gestes numériques du quotidien ;
- Le soutien financier et l’animation de 16 « Hubs territoriaux pour un numérique inclusif » qui coordonnent l’offre de médiation numérique au niveau régional ;
- Des partenariats avec des structures de l’écosystème de l’inclusion numérique comme Emmaüs Connect ou les Régies de Quartier ;
- La mise en place d’accélérateurs – à l’image de 13M – et programmes d’accompagnement pour soutenir et financer les projets innovants.
Marianne Beaufils : 13M, le premier accélérateur en faveur de l’inclusion numérique, s’inscrit dans cette logique. C’est une brique essentielle pour aider le passage à l’échelle de solutions pour les citoyens exclus du numérique.
Pouvez-vous dresser un bilan chiffré de vos investissements et subventions accordés aux projets en faveur de l’inclusion numérique ?
Christophe Genter : Les subventions sont accordées à des projets dans le cadre d’appels à projets ou d’appels à manifestation. Nous pouvons également subventionner certaines solutions dans le cadre de partenariats, mais la démarche est plus rare.
Par ailleurs, nous portons une offre d’investissement en fonds propres. Nous avons l’ambition d’investir 1 million d’euros par an dans des solutions innovantes d’inclusion numérique. Des programmes comme 13M – pour accélérer les associations et les startups à impact de l’inclusion numérique – ou Passerelles – pour accélérer les startups EdTech à impact – nous permettent de sourcer des projets dans lesquels nous pouvons potentiellement investir. Pour les porteurs de projets, notre présence dans un tour de table est un gage de qualité et de stabilité pour attirer d’autres investisseurs.
Ces investissements se font bien sûr sous certaines conditions. Premièrement par celle d’avoir un modèle économique viable, qui ne repose donc pas majoritairement sur des subventions. La pérennité du modèle est un enjeu majeur et c’est la raison pour laquelle les porteurs de projets doivent être accompagnés pour structurer des business models toujours plus équilibrés.
À titre d’exemple, nous avons soutenu des structures comme Simplon (l’école qui forme aux métiers du numérique), Social Builder (association experte qui accompagne des femmes en reconversion vers les métiers du numérique) ou encore Colori (qui accompagne les enfants de 3 à 8 ans dans leur compréhension du numérique).
Nous venons de lancer la 2ème promotion : quel bilan tirez-vous de ces 9 mois d’accompagnement de la 1ère promotion et quels ont été les principaux apprentissages ?
Marianne Beaufils : Nous sommes très satisfaits de cette première promotion. Nous avons construit l’accélérateur de toute pièce, la marque 13M mais aussi – et surtout – le contenu du programme d’accompagnement.
Les projets ont franchi des étapes essentielles au cours de l’année précédente :
- NECC a ouvert son premier tiers-lieu, préparé sa structuration juridique à l’essaimage de sa solution et opère pleinement ses programmes d’accompagnement
- Lisio a augmenté son chiffre d’affaires de 30% et travaillé sur sa mesure d’impact social
- Informa’Truck est passé de 1 à 11 camions-ateliers. Elle a clôturé un premier tour de table de 1,4 millions d’euros pour essaimer sa solution en France
- SOSTech a doublé le nombre d’ateliers animés, augmenté de 150% son chiffre d’affaires et recruté 6 nouvelles personnes
En échangeant avec les lauréats, nous avons pris conscience des différents niveaux de maturité et des enjeux opérationnels propres à chaque projet. Nous savons que les entrepreneurs ont besoin de contacts privilégiés et de confiance. Chacun dispose désormais d’un groupe d’experts à solliciter. La notion de communauté reste essentielle et des temps collectifs sont toujours au programme.
C’est typiquement l’objet des learning expeditions. Format que nous avons testé sur la 1ère promotion à l’occasion du salon Numérique en Commun(s) (NEC) à Bordeaux. La 2ème promotion bénéficiera de la même opportunité en septembre prochain à l’occasion de l’édition 2024 du salon NEC à Chambéry, mais aussi lors d’un déplacement à Nantes.
Quels conseils donneriez-vous aux 4 lauréats de la 2ème promotion pour profiter pleinement des 9 prochains mois d’accompagnement ?
Marianne Beaufils : S’impliquer pleinement dans le programme d’accélération pour profiter des événements, des contenus et du réseau de partenaires. Et surtout, partager cette opportunité et faire intervenir leurs équipes sur des temps clés.
Quels défis restent encore à relever pour l’État et les collectivités, mais aussi pour les acteurs du secteur de l’inclusion numérique ?
Christophe Genter : l’État a fixé quatre objectifs par l’État dans sa feuille de route France Numérique Ensemble 2023-2027 :
- Fin 2027, 8 millions de personnes seront accompagnées grâce aux dispositifs France Service et Conseiller Numérique
- 2 millions de ménages modestes seront équipés grâce à des appareils reconditionnés
- 20 000 aidants numériques seront formés
- 25 000 lieux de médiation numérique seront créés
La feuille de route est donc claire, il faut désormais la mettre en œuvre, et la Banque des Territoires s’est fixé 5 leviers d’action pour cela :
- Continuer d’accompagner les dispositifs Conseiller numérique et France services ;
- Continuer à soutenir les 16 Hubs territoriaux pour un numérique inclusif dans leur rôle de coordinateur régional ;
- Apporter des solutions d’ingénierie financière et territoriale aux collectivités. Afin de les aider à concevoir et mettre en œuvre leur feuille de route locale d’inclusion numérique ;
- Soutenir les initiatives d’accès solidaire à internet et aux équipements ;
- Investir pour accompagner les acteurs privés, les aider à passer à l’échelle et massifier leur impact
Nous développons par ailleurs une démarche qui est celle de « l’aller vers ». Avec un souhait d’aller au-devant des Français et franchir les derniers kilomètres qui les séparent de l’accès à un service ou à un droit (illectronisme, service public dématérialisé, prise en main des outils numériques…)
Marianne Beaufils : Dans un monde où le numérique est omniprésent, l’inclusion est l’affaire de toutes et tous.